Ligia Dias, ANTONI, 2021
Pour modéliser ses architectures, Antoni Gaudí inventa une méthode originale. Il fabriquait des prototypes constitués de chaînes suspendues au plafond, auxquels il attachait des poids. C’est aux images spectaculaires de ces modèles qu’ANTONI doit son nom. Mais les petits sacs de sables couleur ocre ont cédé la place à un ensemble d’éléments qui appartiennent depuis des années au vocabulaire formel de Ligia Dias et rejouent ce mélange high et low qui caractérise son travail.
Suspendus sur un large filet, bouchons de champagne, perles, breloques dorées à la feuille et cristaux Swarovski côtoient de petits objets modestes (porte-clés souvenir, capsules de bière, chaînettes métallisées). L’ensemble est illuminé par un système de LED et d’ampoules qui complète le dispositif. ANTONI est ainsi une espèce de rétrospective du travail de Ligia Dias, sous la forme d’une pièce lumineuse.
ANTONI rejoue aussi le mélange entre élément fonctionnel et ornement qui caractérise pratiquement tout son travail, qu’elle réalise des objets-bijoux, des pièces de joaillerie ou des miroirs à fort coefficient sculptural, ou qu’elle pense des displays aussi précis formellement que ce qu’ils sont supposés accueillir et montrer.
S’agit-il d’une sculpture, ou d’une œuvre de design ? La question est aussi triviale qu’insoluble et la réponse dépend, comme souvent, du contexte d’exposition et des choix d’accrochage. Au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, où elle a été exposée tout l’été, la pièce était montrée de manière résolument sculpturale, accrochée très haut entre de grands murs blancs, presque glacée. Ici, l’expérience est radicalement opposée et joue sur la proximité. ANTONI occupe tout l’espace, et l’on peut s’immerger sans fin dans les milles détails qui la constituent. L’exposition propose ainsi une fiction domestique : dans un espace habité, illuminé par cet étrange lustre démesuré, un courant d’air pourrait faire tinter doucement les breloques, et créer une petite musique d’intérieur, sweet, et pleine de bonnes énergies.
Jill Gasparina
